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Dans certaines régions du Sud-Est de Madagascar, de la tribu « Antambahoaka’’, il faut se débarrasser, abandonner les jumeaux à leur naissance. Dans ces régions, garder des enfants jumeaux est tabou. Transgresser cette tradition implique la malédiction des membres de la famille. Dans la ville de Mananjary, des associations comme l’Association Tsy Manary Zaza’’, traduit en français « on n’abandonne pas ses enfants » ont été créées pour accueillir et prendre en charge ces enfants abandonnés. Cependant, malgré les séances de sensibilisation menées au niveau des communautés, les discriminations envers les mères qui préfèrent et décident de garder leurs enfants avec elles, persistent.  Ces femmes luttent pour leurs droits et ceux de leurs enfants mais sont souvent rejetées par leur famille et la société, comme le cas d’Elisabeth.

Elisabeth est une mère célibataire de trois enfants. Au moment où elle tombait enceinte de son premier enfant, son partenaire l’a quitté. A la naissance des jumeaux, son deuxième partenaire a refait la même chose, accentuée par le fait qu’elle a accouché de jumeaux. ‘’La première fois quand j’ai rencontré Elisabeth quand j’étais animatrice de l’association ‘’Tsy manary zaza’’, je lui ai dit de placer ses enfants jumeaux dans le centre mais elle n’a pas accepté. Elle voulait toujours vivre à leur côté. Étant leur mère biologique, son amour pour ses enfants est inconditionnel et on ne doit pas l’obliger. C’est un choix’’ disait Mme Lalao, Intervenante Sociale du Centre d'Écoute et de Conseils Juridiques de Mananjary.

Face à cette situation, Elisabeth a toujours essayé de veiller au bien-être de sa petite famille.  Tous les jours, avec ses enfants dans le dos et en main, elle travaille chez des gens comme ménagère. Malgré ses efforts, elle subit toujours des violences morales faites par certains membres de sa famille et de sa communauté étant encore une société conservatrice. ‘’Depuis que j’ai accouché ces petits jumeaux, je suis stigmatisée et exclue de la société. Je subis toujours des mots blessants, des moqueries. Je travaille dur pour le bien de ma petite famille mais la situation s’est encore empirée'', se plaint Elisabeth.

Malgré cela, elle a toujours gardé ses enfants. Des années se sont écoulées, elle se sent fatiguée et aussi ses revenus ne couvrent pas tous ses besoins. Elle s’est approchée du centre d’écoute et de conseils juridiques (CECJ) pour demander des conseils en vue de réclamer ses droits et ceux de ses enfants mais cela n’a pas abouti du fait de la fuite du père de ses enfants. En revanche, les intervenants sociaux du CECJ lui ont fourni une prise en charge psychosociale, lui permettant de se relever et de viser un autre objectif pour retrouver son autonomie.

Avec l’appui du Royaume de Norvège, des sessions de formation en activité génératrice de revenu, en transformation des fruits ont été organisées au niveau du CECJ Mananjary, au mois de juillet 2021 avec la participation de 50 femmes dont Elisabeth. Motivée et positive, Elisabeth a démarré son activité de vente de confiture de fruits de saison juste après la formation. Elle recevait des commandes et faisait des livraisons à domicile, tout en amenant ses enfants avec elle partout où elle va. ‘’Seule à devoir élever mes enfants, je me bats pour leurs droits, disait-elle avec détermination.

Au mois de février 2022, la région Vatovavy au Sud-Est de Madagascar, plus précisément à Mananjary et ses alentours ont été touchés par les 02 cyclones successifs, Batsirai et Emnati. Ces cyclones ont fait des ravages au sein de la population, touchant particulièrement les groupes les plus vulnérables composés des femmes et des filles. De nombreux habitations et bureaux administratifs, dont le bureau du CECJ ont été endommagés. UNFPA, dans le cadre de ses réponses, a appuyé le Gouvernement à travers différentes dotations au Ministère de la Santé Publique et au Ministère de la Population, de la Protection Sociale et de la Promotion de la Femme. Parmi ces dotations, on compte la provision de 450 kits de dignité aux survivantes de violences basées sur le Genre, dont Elisabeth. "Ma maison et mes biens ont été endommagés par les cyclones. Ces kits me sont très utiles pour mes besoins quotidiens", a témoigné Elisabeth.

En attendant la réhabilitation du bureau du CECJ de Mananjary endommagé, une tente a été érigée en guise de salle d’écoute temporaire avec l’appui de UNFPA, et 08 Intervenants Sociaux joignent leurs efforts pour continuer à sensibiliser la communauté sur la prévention des violences basées sur le genre et à prendre en charge les survivantes de Violences Basées sur le Genre. Ainsi, la lutte pour l’égalité des droits se poursuit pour que personne ne soit laissée de côté.